L'interaction forte
ou
La colle super-gluon
L'interaction forte est responsable du confinement des protons
et des neutrons dans les noyaux atomiques. Son intensité est considérable
et elle dominerait toutes les autres forces de la nature si son rayon d'action
n'était pas aussi minuscule (de l'ordre de la taille des noyaux
atomiques, soit 10-15 mètre). Cela
explique que dans un noyau, deux protons, de même charge Q positive,
ne soient pas séparés violemment par la force électromagnétique:
l'interaction forte est beaucoup plus puissante.
En fait, l'interaction forte s'exerce plus fondamentalement entre les
constituants des nucléons: les quarks (et les antiquarks). De la
même manière que l'interaction électromagnétique
n'agit que sur les particules possédant une charge Q non nulle,
l'interaction forte n'agit que sur les particules portant une caractéristique
baptisée "couleur". La théorie expliquant ce mécanisme
s'appelle la chromodynamique quantique (car chromo = couleur) ou
QCD.
La
chromodynamique quantique
Les quarks et les antiquarks sont donc caractérisés par une couleur:
N'imaginez
pas que ces particules soient colorées comme des boules de billard!
ce terme poétique de couleur a été imaginé
pour nommer une nouvelle charge qui ne concerne que l'interaction forte.
Chez les quarks d'un nucléon, tout va par trois: Les charges
Q sont fractionnaires d'un tiers et surtout les nucléons ne portent
pas de couleur particulière: ils sont blancs. Ce blanc ne peut être
obtenu que si les trois quarks du nucléon sont tous d'une couleur
différente. Comme en optique:
ROUGE + VERT + BLEU = CYAN + MAGENTA + JAUNE = BLANC |
A noter que la famille des leptons (électron, muon, tau et leur
neutrino) est insensible à l'interaction forte et donc ces particules
sont non colorées.
Quant aux quarks, les particules composites qu'ils forment par regroupement
s'appellent les hadrons. Tous les ces hadrons sont donc sensibles
à l'interaction forte et ils ont tous une charge de couleur nulle:
ils sont donc blancs.
Ils peuvent être de deux types différents:
quark rouge + quark vert + quark bleu = baryon neutre |
Les antibaryons
contiennent 3 antiquarks de 3 anticouleurs et obéissent à
la règle :
antiquark cyan + antiquark magenta + antiquark jaune = antibaryon neutre |
quark rouge + antiquark cyan = | méson neutre |
quark vert + antiquark magenta = | méson neutre |
quark bleu + antiquark jaune = | méson neutre |
Les gluons
L'interaction forte s'exerce par l'intermédiaire d'un boson ou particule médiatrice. Ce boson a été baptisé gluon et il en existe huit différents; chacun porteur d'une couleur et d'une anticouleur.
Comme les photons, ils sont de masse nulle et comme le graviton, ils n'ont encore jamais été détectés.
Un gluon est donc toujours associé à une couleur et à une anticouleur; lorsqu'il est échangé entre deux quarks, il va donc échanger les couleurs de ces derniers. Contrairement au photon médiateur qui ne change pas les charges Q des particules interagissantes, les gluons, eux, changent la couleur des quarks.
Pourquoi 8 gluons ?
Il faut donc se représenter un nucléon comme une incessante
transformation de 3 quarks s'échangeant en permanence des gluons.
A un instant donné, les 3 quarks ont bien 3 couleurs différentes,
mais ces couleurs vont constamment changer de propriétaires à
tour de rôle.
Plus étonnant encore, vus de très près, les quarks
d'un nucléon semblent libres. En revanche, s'ils s'éloignent
les uns des autres, la force qui les lie augmente et ils ne peuvent sortir
du nucléon. Quarks et gluons sont confinés à l'intérieur
des baryons et des mésons. Donc deux quarks de couleurs différentes
sont d'autant plus attirés l'un par l'autre qu'ils sont éloignés
l'un de l'autre! C'est comme s'ils étaient reliés par un
élastique. c'est le confinement des quarks.
On ne pourra donc jamais observer un quark isolé.
la liaison inter-nucléon
L'interaction forte fondamentale s'exerce donc entre les quarks
et les gluons d'un nucléon.
Ce qui lie entre eux les nucléons dans le noyau atomique, ce
sont des "fuites" de gluons, de quarks et d'antiquarks.
En
1937, le physicien japonais Hideki Yukawa propose que les liaisons
entre protons ou neutrons se fassent par l'intermédiaire de particules
appelés les mésons p (Pi).
Ces mésons Pi seront effectivement détectés dix ans
plus tard. En fait, nous savons maintenant que les mésons sont une
association instable de quarks, d'antiquarks et des gluons nécessaires:
Ces mésons sont en quelque sorte des fuites s'échappant du
nucléon et interagissant avec le nucléon voisin: telle est
l'interaction forte résiduelle agissant secondairement entre
les nucléons par l'intermédiaire de mésons.